08 décembre 2022

Une guerre essentielle, lutter contre le pouvoir des banques !

En Italie, le projet de Giorgia Meloni de tuer la carte de crédit se heurte… à Bruxelles
Après avoir commencé par rehausser le plafond des transactions en espèces – qui passe de 2000 euros à 5 000 euros – Giorgia Meloni s’est lancée dans une croisade contre les cartes de crédit.
Hans Lucas via AFP

En Italie, le projet de Giorgia Meloni de tuer la carte de crédit se heurte… à Bruxelles

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Par , à Rome

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Alors que les espèces sont en voie de disparition dans de nombreux pays, l’Italie s’engage à restreindre l’utilisation des cartes de crédit. Un dispositif inséré dans le projet de budget 2023 autorise les commerçants à refuser les transactions numériques pour les paiements inférieurs à 60 euros. Les consommateurs pourront aussi régler leurs achats en espèces jusqu’à 5 000 euros.

Il y a trois ans en Italie, le gouvernement formé par le Mouvement 5 étoiles (M5S) et le Parti démocrate avait décidé de combattre l’évasion fiscale estimée chaque année à plus de 80 milliards d’euros, en récompensant les consommateurs qui payaient leurs achats par carte de crédit. Cette mesure permettait aux Italiens d’être remboursés à hauteur de 10% du montant de leurs dépenses jusqu’à un maximum de 150 euros, à condition d’avoir effectué au moins dix achats par carte bancaire en décembre 2020. Un an plus tard, le gouvernement de Mario Draghi avait prolongé l’application de ce dispositif, mis en place pour lutter contre la fraude fiscale mais aussi pour inciter les Italiens à renoncer aux espèces.

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Visiblement, cette stratégie a été… payante. L’an dernier, les paiements dématérialisés ont franchi la barre des 182 milliards d’euros, soit une augmentation de 22 % par rapport à la même période l’année précédente. Mais avec l’arrivée au pouvoir de la droite et de l’extrême droite, la situation risque de changer. Car pour Giorgia Meloni, la nouvelle cheffe du gouvernement italien, les paiements par cartes permettent d’engraisser les banques, d’espionner les consommateurs et aussi de taxer les petites entreprises et les foyers.

RAPPEL À L'ORDRE DE BRUXELLES

Après avoir commencé par rehausser le plafond des transactions en espèces – qui passe de 2000 euros à 5 000 euros – Giorgia Meloni s’est lancée dans une croisade contre les cartes de crédit. Mais faute de pouvoir interdire totalement les paiements dématérialisés, la présidente du Conseil a décidé de limiter leur utilisation en introduisant une norme dans le projet de budget 2023 qui permet aux commerçants de refuser les paiements par carte bleue pour les montants inférieurs à 60 euros.

Pour justifier ce plafond, Giorgia Meloni affirme que les consommateurs italiens régleraient en général les transactions de moins de 47,50 euros en espèces, contre une moyenne d’environ 40 euros en Europe. Le nouveau dispositif annule aussi la norme introduite l’an denier par le gouvernement de Mario Draghi qui obligeait commerçants, médecins, avocats, experts-comptables, artisans et chauffeurs de taxi à s’équiper d’un lecteur de carte et à accepter les paiements numériques sous peine d'une amende de 30 euros minimum plus 4 % du montant de la transaction. Du petit-lait pour les commerçants, certains allant jusqu’à proposer à leur clientèle une ristourne de 10 % pour les paiements en espèces.

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Depuis la publication du projet de budget, tous attendent avec impatience de sabler le champagne le 1er janvier prochain, date à laquelle ce dispositif devrait entrer en vigueur. Hélas pour eux, la Commission européenne a déjà rappelé Rome à l’ordre. En signant le plan de relance et de résilience (PNRR) – financé par des fonds européens – le gouvernement italien s’était engagé à traquer les fraudeurs en limitant les paiements en liquide et en introduisant des amendes conséquentes. La Commission a également rappelé que cet accord conditionnait l’envoi des fonds liés au PNRR.

ÉVASION FISCALE RELANCÉE

Aux menaces à peine voilées de Bruxelles s’ajoutent les critiques féroces des industriels, de la Banque d’Italie, de la Commission parlementaire des Finances et de la Cour des comptes. Tous contestent les mesures sur le rehaussement du plafond pour les paiements en espèces et les restrictions sur l’utilisation des cartes bleues qui pourraient relancer l’évasion fiscale. Et tous remettent aussi en question le raisonnement de Giorgia Meloni sur les coûts « insoutenables » des équipements et des paiements numériques pour les commerçants, compte tenu des nouvelles stratégies développées par les banques.

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Du côté des Italiens, le projet anti-cartes de crédit du gouvernement aurait également du mal à passer. Selon un sondage réalisé par l’institut d’études Euromedia Research, 56 % d'entre eux demandent déjà à Giorgia Meloni de revoir sa copie – y compris chez un tiers de l'électorat qui soutient la majorité. En revanche, 65.2 % des commerçants approuvent ces mesures. Piètre consolation pour Giorgia Meloni qui songerait déjà à faire partiellement marche arrière. Dans une note publiée en début de semaine, le gouvernement a déclaré que des discussions seraient en cours avec la Commission européenne. Une façon de laisser entendre que le plafond des 60 euros pourrait être revu à la baisse, non pas à cause de la cheffe du gouvernement… mais plutôt des institutions européennes et des banques. Encore une façon de brosser l’électorat dans le sens du poil.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne

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